La Maison des femmes de Marseille s’impose aujourd’hui comme un refuge essentiel pour les femmes victimes de violences. Inaugurée officiellement en janvier 2025 mais opérationnelle depuis septembre 2024, cette structure unique a déjà accompagné plus de 1200 femmes dans leur parcours de guérison. Adossée au CHU de Marseille, elle incarne un modèle innovant de prise en charge globale qui combine expertise médicale, soutien psychologique et accompagnement social.
Un lieu d’accueil et de soins né d’une initiative collective
Au cœur de Marseille, à quelques pas des hôpitaux de La Timone et de la Conception, se dresse un bâtiment discret mais essentiel. La Maison des femmes Marseille Provence a vu le jour grâce à la détermination de cinq soignantes de l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM) : Florence Bretelle, Sophie Tardieu, Françoise Cerri, Hélène Heckenroth et Anaïs Nuttal.
« On avait un projet qui tenait la route mais on nous prenait un peu pour les nanas qui voulaient leur maison des femmes », se souvient Sophie Tardieu, praticienne hospitalière en santé publique. L’annonce par Emmanuel Macron en septembre 2021 de la création d’une Maison des femmes à Marseille a accéléré considérablement le processus, transformant ce projet médical en enjeu politique local.
Le Dr Anaïs Nuttal, gynécologue médicale, raconte : « Je m’étais dit que j’aimerais créer un jour une maison des femmes mais je n’imaginais pas que cela pourrait être aussi rapide. » Le premier élan financier est venu d’une collecte de fonds organisée par Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, permettant de réunir 150 000 euros pour le projet marseillais.
Ouverte administrativement en décembre 2021, la structure a accueilli sa première patiente en janvier 2022 dans les sous-sols de l’hôpital de la Conception. Le déménagement dans des locaux adaptés de 460m² en septembre 2024 marque un tournant décisif, permettant d’élargir l’équipe et d’enrichir l’offre de soins.
Des parcours personnalisés pour répondre à des situations complexes
La Maison des femmes de Marseille s’inscrit dans le modèle ReStart, qui repose sur quatre piliers essentiels : médical, psychologique, social et juridique. Cette approche de « guichet unique » évite aux femmes fragilisées le morcellement de leur parcours et leur offre des repères stables dans une période de grande vulnérabilité.
Chaque femme qui franchit le seuil de l’établissement bénéficie d’un premier entretien d’une heure pour évaluer sa situation et définir un parcours adapté parmi les quatre proposés :
- Parcours violence (physique, psychique, sexuelle, conjugale)
- Parcours mutilations génitales féminines
- Parcours femmes enceintes en situation de violence
- Parcours prévention, éducation, enseignement et recherche
Sophie Tardieu précise : « Le profil typique est une femme d’environ 34 ans, mais nous accompagnons des personnes de 15 à 78 ans, représentant 43 nationalités différentes. Environ 20 à 25% sont des demandeuses d’asile. » Les situations les plus complexes concernent souvent des primo-arrivantes ayant subi des violences systémiques depuis leur pays d’origine jusqu’à leur arrivée à Marseille.
Pour faire face à ces parcours de reconstruction qui nécessitent une grande détermination, la structure propose divers ateliers : jardinage, cours de français, karaté, danse. « Avec la danse, on travaille sur la réappropriation du corps et l’estime de soi. Le karaté n’est pas du self-défense mais un travail sur la posture et la relation à l’autre », explique Sophie Tardieu.
Parcours | Proportion | Objectifs principaux |
---|---|---|
Violence | Majoritaire | Soins, protection, reconstruction |
Mutilations génitales | 20% | Soins spécifiques, accompagnement |
Femmes enceintes | Variable | Suivi médical adapté, protection |
Prévention/éducation | Transversal | Sensibilisation, recherche |
Une équipe pluridisciplinaire au service des femmes
La force de la Maison des femmes réside dans son équipe pluridisciplinaire. Une quinzaine de professionnels salariés y travaillent : gynécologues, médecin généraliste, psychologues, psychiatre, assistantes sociales et sage-femme. Ce dispositif est complété par des stagiaires, des internes en médecine et une cinquantaine de bénévoles assurant l’accueil, l’animation d’ateliers et la communication.
Constance, bénévole de 33 ans, témoigne : « Le protocole d’accueil est assez simple. Nous n’avons pas connaissance des histoires des femmes qui viennent ici, sauf si elles nous en parlent. Quand une femme arrive, on lui demande avec qui elle a rendez-vous et on lui propose à boire. » Ce premier contact chaleureux et bienveillant est crucial pour des personnes souvent traumatisées.
Les secrétaires jouent également un rôle déterminant. « Elles sont incroyables ! », s’enthousiasme Anaïs Nuttal. « Elles filtrent les adressages des professionnels, reçoivent les appels et les patientes qui se présentent spontanément, puis nous programment un premier entretien en fonction de la situation. »
Le financement de la structure repose sur un modèle hybride innovant : un socle public de 350 000 euros annuels du ministère de la Santé (mission d’intérêt général), complété par des fonds privés. Cette organisation permet d’assurer la pérennité des services tout en conservant une certaine souplesse dans le développement des activités.
Une réponse essentielle aux besoins des femmes marseillaises
Avec 1200 femmes reçues depuis son ouverture et une file active de 750 patientes, la Maison des femmes de Marseille atteste sa pertinence. Les délais d’attente pour un premier entretien sont d’environ deux à trois semaines, mais les situations d’urgence peuvent être prises en charge dans la journée.
L’objectif final, comme le souligne Anaïs Nuttal, est « la sortie du parcours, avec des femmes qui sont de nouveau sécurisées et autonomes. » En favorisant cette reconquête d’indépendance, la structure contribue à briser les cycles de violence et à offrir de nouvelles perspectives d’avenir.
Le succès de ce modèle explique sa multiplication sur le territoire national, avec 28 Maisons des femmes actuellement en activité. Celle de Marseille, cinquième à avoir vu le jour en France, bénéficie d’un fort soutien institutionnel et médiatique, avec notamment Clara Luciani comme marraine.
L’adossement à l’AP-HM garantit l’expertise médicale et l’accès à un plateau technique complet, faisant de cette Maison des femmes bien plus qu’un simple lieu d’accueil : un véritable dispositif de soins intégrés au service des victimes de violences.